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Adaptation numérique d’un livre hors-norme – Tribulations et réjouissances de la production d’ebooks
Dernièrement j’ai travaillé sur un projet hors-norme, l’adaptation numérique du livre Le Putain d’énorme livre du bonheur qui va tout déchirer, d’Anneliese Mackintosh. Roman épistolaire du 21ème siècle, la maquette papier est extrêmement complexe, et fait la part belle à toutes sortes de documents comme des mails ou snapchats mais aussi des tickets de caisse, des notes manuscrites, des documents officiels… avec plein d’éléments qui ne se traduisent pas bien du tout en epub, comme des tableaux.
Double défi
Un projet comme celui-ci représente un double défi. D’une part, il faut préserver au maximum l’esprit de la maquette papier, car la mise en forme participe au récit et au plaisir de la lecture. J’ai essayé d’y rester le plus fidèle possible. Mais il faut également savoir adapter la maquette en fonction des caractéristiques et contraintes du format numérique.
Notamment pour respecter l’accessibilité, il faut privilégier une mise en forme qui puisse s’agrandir au besoin, ou être lu par synthèse vocale, et se modifier dynamiquement pour s’adapter au très petit écran d’un smartphone aussi bien qu’à une liseuse ou l’écran d’un ordinateur. C’est ce qu’on appelle un format “fluide”. Il faut également que ça soit beau, agréable à lire, quelle que soit la taille de la police choisie par le lecteur ou la taille de l’écran.
(Les pointillés sur les tickets de caisse : en haut de la liste des trucs-dont-je-suis-super-contente-que-personne-ne-remarquera.)
Faire des compromis,
mais jamais au détriment de l’accessibilité
Parfois j’ai dû faire des compromis. Par exemple j’ai choisi d’embarquer plusieurs polices différentes dans le fichier pour reproduire les effets graphiques, en rajoutant un mot en début du livre pour conseiller l’activation des styles et polices de l’éditeur, plutôt que d’appliquer la police de son choix. À part l’effet esthétique, les différentes polices utilisées jouent un rôle important pour la compréhension du récit.
Conseil de l’éditeur
Par contre j’ai fait en sorte qu’il n’y ait aucun texte inaccessible. Pour les quelques images qu’il n’était pas possible de reproduire uniquement en texte (un croquis annoté à la main par exemple, ou l’image du badge nominatif), j’ai choisi de conserver l’image, pour préserver la richesse graphique, en retranscrivant également le texte pour assurer une lisibilité et une accessibilité totale.
Quand il y avait des tableaux dans la maquette papier j’ai reproduit l’effet visuel autrement, avec une mise en forme qui a la tête d’un tableau tout en étant totalement fluide, pour éviter que le tableau – et donc une partie du texte – ne soit tronqué si il dépassait de l’écran.
Ceci n’est pas un tableau…
Ceci non plus n’est pas un tableau.
La guerre des applications de lecture
Le plus difficile pour une adaptation numérique comme celle-ci est de gérer les interprétations, disons, “variables” (je suis gentille…) des différentes applications de lecture, et trouver des solutions qui soient les plus simples et les plus compatibles possibles même à des problèmes parfois complexes.
Ainsi les applications de lecture qui s’appuient sur le moteur de rendu d’Adobe Digital Editions (RMSDK) ne gèrent pas les coins arrondis (lacune franchement scandaleuse mais loin d’être unique, hélas) ; les bordures des SMS, et le rond de l’Appli de sevrage sont donc carrés. C’est moins joli mais on ne perd rien au sens.
SMS avec les coins arrondis (dans iBooks)
Dans les applications de lecture basées sur le moteur d’Adobe, le rond gris sera carré.
iBooks (et iBooks seul) refusait d’afficher le texte mise en forme avec l’une des polices prévues à moins qu’il ne soit souligné ; certaines parties du texte aurait été tout bonnement invisibles, ce qui est rédhibitoire. Solution ? Remplacer cette police. Et vérifier son fichier mille fois, dans toutes les applications possibles.
Voici le rendu attendu
Voici le rendu dans iBooks
Pourtant le texte est bien là et s’affiche avec la police si il est souligné. Allez comprendre.
Quand il s’est agi de reproduire l’item entouré de cette liste, j’ai été obligée d’essayer quatre solutions différentes, toutes techniquement valides, avant d’en trouver une qui s’affiche correctement partout.
Vous vous demandez ce qui se passe si on agrandit la taille du texte ?
…c’te question.
Je vais pas vous mentir, j’éprouve beaucoup de plaisir à me triturer les méninges pour trouver une solution élégante à un défi épineux. De là à devoir en trouver quatre… Est-ce que j’ai (encore) maudit les développeurs d’Adobe Digital Editions et d’iBooks, qui ne se soucient pas spécialement de respecter les standards pourtant en place depuis des années (voire des décennies) ? Un petit peu oui (ahem).
Au passage, pas merci iBooks pour la gestion du cache qui m’oblige à modifier le titre dans les méta-données à chaque nouveau test.
Un beau livre, un bel ebook
Je suis très fière du résultat. Je pense que les lecteurs et lectrices pourront profiter aussi pleinement de la lecture de l’ebook que du livre papier, sans que l’expérience ne soit en rien inférieure. Un grand merci à e-Dantès et aux Éditions Bragelonne de m’avoir fait confiance pour ce travail ; j’espère que nous aurons d’autres putains d’énormes projets ensemble.
Le Putain d’énorme livre du bonheur qui va tout déchirer, d’Anneliese Mackintosh, paru chez Milady, est disponible sans drm chez tous les bons libraires numériques ; personnellement j’ai une préférence pour les librairies indépendantes, par exemple 7switch*.
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Une réflexion au sujet de « Le Putain d’énorme projet »